精神病儿童/狼孩的个案(摘译自拉康讨论班一第八节)

双臂大黑天 2012-03-13 22:00:38

双臂大黑天
2012-03-20 08:56:07 双臂大黑天 (朴素的生活与遥远的梦想)

法文

Robert est un petit garçon, né le 4 Mars 1948.

Son histoire a été reconstituée difficilement,
et c'est surtout grâce au matériel apporté en séances qu'on a pu savoir les traumatismes subis.

Son père est inconnu.
Sa mère est actuellement internée comme paranoïaque. Elle l'a eu avec elle jusqu'à l'âge de 5 mois,
errant de maison maternelle en mai¬son maternelle.

Elle négligea les soins essentiels jusqu'à oublier
de le nourrir, on devait sans cesse rappeler à cette femme les soins à donner à son enfant, et surtout le biberon : il a été tellement négligé qu'il a réellement souffert de la faim.

Il a dû être hospitalisé à l'âge de 5 mois dans un grand état d'hypotrophie et de dénutrition.

À peine hospitalisé, il a fait une otite bilatérale qui a nécessité une mastoïdectomie double.

Il a été ensuite envoyé à « Paul PARQUET » dont tout le monde connaît le caractère strict de prophylaxie.

Il est isolé, ne voyant pas les autres enfants, nourri à la sonde à cause de son anorexie.

Et il est rendu de force à sa mère pendant deux mois. On ne sait rien de sa vie durant ce temps-là.

Puis à 11 mois sa mère le dépose au dépôt de l'Assistance publique, et quelques mois plus tard il est immatriculé, sa mère ne l'ayant pas revu.

À dater de cette époque - il a 11 mois - jusqu'à l'âge de 3 ans 9 mois, cet enfant a subi 25 changements de résidence, institutions d'enfants ou hôpi¬taux, jamais de placement nourricier proprement dit à cause de son état.

Ces hospitalisations ont été nécessitées par
les maladies infantiles, par une adé¬noïdectomie,
et par des examens neurologiques, ventriculographie,
élec¬troencéphalographie, examens normaux.

On relève des évaluations sanitaires, médicales,
qui indiquent de profondes perturbations somatiques. Puis, le somatique étant amélioré, des détériorations psychologiques.

La der¬nière évaluation de Denfert, à 3 ans et demi, propose un internement qui ne pouvait être que définitif, avec état para-psychotique non franchement défini.
Le test de GESELL donne un QD de 43.


Il arrive donc, à 3 ans 9 mois, à l'institution
qui est une dépendance du dépôt de Denfert,
où je l'ai pris en traitement.

À ce moment, il se présente de la manière suivante :

- Au point de vue staturo-pondéral, en très bon état, à part une otorrhée bila¬térale chronique.

- Au point de vue moteur, il avait une démarche pendulaire, une grande incoordination de mouvements, une hyperagitation constante.

- Au point de vue du langage, absence totale de parole coordonnée, cris fréquents, rires gutturaux et discordants. Il ne savait dire que deux mots qu'il criait : « madame », et « le loup ». Ce mot, « le loup », il le répétait à longueur de journée, ce qui fait que je l'ai surnommé « l'enfant-loup », c'était vraiment la représentation qu'il avait de lui-même.


- Au point de vue comportement, il était hyperactif, tout le temps agité de mouvements brusques et désordonnés, sans but. Activité de préhension incohé¬rente : il jetait son bras en avant pour prendre un objet et, s'il ne l'atteignait pas, il ne pouvait pas rectifier et devait recommencer le mouvement dès le départ. Troubles variés du sommeil.

Sur ce fond permanent, il avait des crises d'agitation convulsive, sans convulsions vraies, avec rougeur de la face, hurlements déchirants, à l'occasion des scènes routinières de sa vie : le pot, et surtout le vidage du pot, le désha¬billage, la nourriture, les portes ouvertes qu'il ne pouvait supporter, ni l'obs¬curité, ni les cris des autres enfants, et, ainsi que nous le verrons, les changements de pièces.

Plus rarement, il avait des crises diamétralement opposées où il était com¬plètement prostré, regardant sans but, à type dépressif.

Avec l'adulte, il était hyperagité, non différencié, sans vrai contact.

Avec les enfants, il semblait parfaitement les ignorer, mais quand l'un d'eux criait ou pleurait, il entrait dans une crise convulsive.

Dans ces moments de crises il devenait dangereux,
il devenait fort, il étranglait les autres enfants, et on a dû le séparer des autres pour la nuit et pour les repas. On ne sentait alors aucune manifestation d'angoisse ni aucune émotion ressentie.

Au point de vue diagnostic, nous en reparlerons après car nous ne savions pas très bien dans quelle catégorie le ranger. On a quand même tenté un traite¬ment tout en se demandant si on arriverait à quelque chose.

Je vais vous parler de la première année du traitement.

Ensuite, il a été arrêté pendant un an.
Il peut se diviser en plusieurs parties.

Une phase préliminaire dans laquelle il a eu le comportement qu'il avait dans la vie, cris gutturaux, il entrait dans la pièce, courant sans arrêt, hurlant, sautant en l'air et retombant accroupi, se prenant la tête entre les mains, ouvrant et fer¬mant la porte, allumant et éteignant la lumière.

Les objets, il les prenait, ou les rejetait,
ou les entassait sur moi, prognathisme très marqué.

Cependant, la seule chose que j'ai pu dégager de ces premières séances a été qu'il n'osait pas s'approcher du biberon qui était sur la table, il n'osait s'en approcher que si la table était vide, auquel cas il ne la touchait pas, mais souf¬flait dessus. Et aussi un autre intérêt pour la cuvette qui, pleine d'eau, semblait déclencher une véritable crise de panique.

À la fin de cette phase préliminaire, à une séance, après avoir tout entassé sur moi dans un état de grande agitation, il a filé, et je l'ai entendu au haut de l'es¬calier qu'il ne savait pas descendre tout seul, dire sur un ton pathétique, sur une tonalité très basse qui n'était pas son genre : « maman »,
face au vide.

Cette phase préliminaire s'est terminée :
en dehors du traitement, un soir après le coucher, debout sur son lit, avec des ciseaux en plastique
il a essayé de couper son pénis devant les petites filles terrifiées.

Dans la seconde partie, il a commencé à exposer
ce qu'était pour lui « le loup ». Il criait cela tout
le temps, et je ne me représentais pas très bien ce que c'était pour lui.
Il a commencé, un jour, par essayer d'étrangler une petite fille que j'avais en traitement.
On a dû les séparer et le mettre dans une autre pièce. Sa réaction fut violente, sous la forme d'une agitation intense. J'ai dû venir et le ramener dans la pièce où il vivait d'habitude.
Dès qu'il y a été, il a hurlé « le loup » et a tout jeté à travers la pièce, c'était le réfectoire, nourriture et assiettes.

Les jours suivants, chaque fois qu'il passait dans
la pièce où il avait été mis, il hurlait « le loup ». Et ce thème m'avait beaucoup frappée.
Et cela éclaire aussi le comportement qu'il avait envers les portes qu'il ne pouvait supporter ouvertes.

Il passait son temps en séance à les ouvrir pour me les faire refermer et hurler « le loup ! ».

Si l'on se souvient de son histoire, les changements de lieux et aussi les changements de pièces étaient pour lui une destruction, puisqu'il avait changé sans arrêt de lieux et d'adultes.

C'était devenu pour lui un véritable principe de destruction qui avait marqué intensément le fondement des mani¬festations primordiales de sa vie d'ingestion et d'excrétion. Il l'a exprimé prin¬cipalement dans deux scènes :
- l'une avec le biberon,
- et l'autre avec le pot.

Il avait fini par prendre le biberon.
Et un jour il est allé ouvrir la porte et a tendu
le biberon à quelqu'un d'imaginaire…
car lorsqu'il était seul avec un adulte dans une pièce, il continuait à se comporter comme s'il y avait d'autres enfants autour de lui
…il a tendu le biberon, il est revenu en arrachant la tétine, et me l'a fait remettre, a retendu le biberon dehors, a laissé la porte ouverte, m'a tourné le dos, a avalé deux gorgées de lait, et face à moi a arraché la tétine, renversé la tête en arrière, s'est inondé de lait, a versé le reste sur moi, et pris de panique, il est parti, inconscient et aveugle. J'ai dû le ramasser dans l'escalier où il com¬mençait à rouler.

J'ai eu l'impression qu'il avait avalé la destruction à ce moment-là où la porte ouverte et le lait étaient liés.

La scène du pot qui a suivi était marquée du même caractère de destruction.

Il se croyait obligé, au début du traitement, de faire caca en séance, en pensant que s'il me donnait quelque chose il me gardait.

Il ne pouvait le faire que serré contre moi, s'asseyant sur le pot, tenant d'une main mon tablier, de l'autre main le biberon ou un crayon, dans un grand état de peur.
Il mangeait après, et sur¬tout avant.
Et pour le pipi il buvait.
L'intensité émotionnelle témoignait d'une grande peur.

Et la dernière de ces scènes a éclairé la relation pour lui entre la défécation et la destruction
par les changements.

Au cours de cette scène, il avait commencé par faire caca, assis à côté de moi. Puis, son caca à côté de lui, il feuilletait les pages d'un livre, tournant les pages. Puis il a entendu un bruit à l'extérieur.

Fou de peur, il est sorti, a pris son pot et l'a déposé devant la porte de la personne qui venait d'entrer dans la pièce à côté. Puis il est revenu dans la pièce où j'étais et s'est plaqué contre
la porte, en hur¬lant « le loup ! le loup ! ».

J'ai eu l'impression d'un rite propitiatoire. Ce caca,
il était incapable de me le donner. Il savait dans une certaine mesure que je ne l'exigeais pas.
Il est allé le mettre à l'expéditeur, il savait bien qu'il allait être jeté, donc détruit. Je le lui ai expliqué. Là-dessus, il est allé chercher le pot, l'a remis dans la pièce, à côté de moi, l'a caché avec un papier, comme pour n'être pas obligé de le donner.

Alors il commença d'être agressif contre moi, comme si en lui donnant la per¬mission de se posséder
à travers ce caca dont il pouvait disposer, je lui avais donné la possibilité d'être agressif.
Évidemment, jusque-là, ne pouvant pas pos¬séder,
il n'avait pas le sens de l'agressivité, mais de l'autodestruction, ce qui expliquait d'ailleurs
son comportement avec les autres enfants.

À partir de ce jour, il ne s'est plus cru obligé
de faire caca en séance, il a employé des substituts symboliques : le sable.

Il a montré la représentation confuse qu'il avait de lui-même. Son état d'anxiété, d'agitation devenait de plus en plus grand dans la vie, il devenait intenable. Moi-même, j'assistais en séance à de véritables tourbillons avec lesquels j'avais assez de peine d'intervenir.

Ce jour-là, après avoir bu un peu de lait :
- il en a renversé par terre,
- puis a jeté du sable dans la cuvette d'eau,
- a rempli le biberon avec du sable et de l'eau,
- a fait pipi dans le pot,
- a mis du sable dedans,
- puis il ramassa du lait mélangé de sable et d'eau,
- ajouta le tout dans le pot, mettant par dessus le poupon en caoutchouc et le biberon,
- et il m'a confié le tout.

À ce moment-là, il est allé ouvrir la porte,
et est revenu la figure convulsée de peur, a repris le biberon qui était dans le pot et l'a cassé, s'acharnant dessus jusqu'à le réduire en petites miettes.
Puis il les ramassa soigneusement et les a enfouies dans le sable du pot.

Il était dans un tel état qu'il a fallu que je le redescende, sentant que je ne pouvais plus rien pour lui. Il a emporté ce pot. Une parcelle de sable est tom¬bée par terre, déclenchant chez lui une invraisemblable panique.

Il a fallu qu'il ramasse la moindre bribe de sable, comme si c'était un morceau de lui-même, et il hurlait « Le loup ! le loup ! » Il n'a pas pu supporter de rester dans la collectivité, il n'a pu supporter qu'aucun autre enfant s'approche.
On dut le coucher dans un état de tension intense, qui ne céda de façon spectaculaire qu'après une débâcle diar¬rhéique, qu'il étendit partout avec ses mains dans son lit ainsi que sur les murs.
Toute cette scène était si pathétique, vécue avec une telle angoisse, que j'étais très inquiète, et j'ai commencé à réaliser l'idée qu'il avait de lui-même.

Il l'a précisé le lendemain, où j'avais dû le frustrer, il a couru à la fenêtre, l'a ouverte, a crié
« le loup ! », et voyant son image dans la vitre,
l'a frappée en criant « le loup ! le loup ! ».

Robert se représentait ainsi, il était le loup,
donc ce prin¬cipe de destruction qu'il frappe dans sa propre image, ou qu'il évoque avec tant de tension.

Ce pot où il a mis ce qui entre en lui-même et ce qui en sort, le pipi et le caca, puis une image humaine, la poupée, puis les débris du biberon, c'était vraiment une image de lui-même, semblable à celle du loup, comme a témoigné la panique lorsqu'un peu de sable était tombé par terre.

Successivement et à la fois il est tous ces éléments qu'il a mis dans le pot, les morceaux du biberon cassé, qui restent la dernière image de lui-même juste après avoir relié cette action de le casser avec la porte, l'extérieur, les changements.

Il n'était qu'une série d'objets par lesquels
il entrait en contact avec la vie quotidienne, symboles des contenus de son corps :

- le sable est le symbole des fèces,
- l'eau, celui de l'urine,
- et le lait, celui qui entre dans son corps.

Mais la scène du pot montre qu'il différenciait très peu tout cela. Pour lui, tous les contenus sont unis dans un même sentiment de destruction permanente de son corps qui, par opposition à ces contenus, représente le contenant, et que Robert a symbo¬lisé par le biberon cassé.
À la phase suivante, il exorcisait le loup. Exorcisme, car cet enfant me don¬nait l'impression d'être un possédé et que, grâce à ma permanence,
il a pu exor¬ciser…
avec un peu de lait qu'il avait bu
…les scènes de la vie quotidienne qui lui faisaient tant de mal.

À ce moment-là, mes interprétations ont surtout tendu à différencier les contenus de son corps au point de vue affectif : le lait est ce qu'on reçoit.

Le caca est ce qu'on donne, et sa valeur dépend
du lait qu'on a reçu. Le pipi est agressif.
De nombreuses séances se sont déroulées.
À ce moment-là, où il faisait pipi dans le pot,
et ensuite il m'annonçait « pas caca, c'est pipi », il était désolé.

Je le rassurais lui disant qu'il avait trop peu reçu pour pouvoir donner quelque chose sans que cela le détruise. Cela le rassurait. Il pouvait alors aller vider le pot aux cabinets.

Le vidage du pot s'entourait de beaucoup de rites
de protection. Il commença par vider l'urine dans
le lavabo des WC en laissant le robinet d'eau couler de façon à pouvoir remplacer l'urine par l'eau.

Il remplissait le pot le faisant débor¬der largement, comme si un contenant n'avait d'existence que par son contenu et devait déborder comme pour le contenir à son tour.

Il y a là une vision syn¬crétique de l'être dans le temps, comme contenant et en même temps comme contenu, comme dans la vie intra-utérine.

Il retrouve ici cette image confuse qu'il avait de lui-même. Il vidait ce pipi, et essayait de le rattraper, persuadé que c'était lui qui s'en allait.

Il hurlait « le loup ! », et le pot ne pouvait avoir pour lui de réalité que plein.
Toute mon atti¬tude fut de lui montrer la réalité
du pot qui restait après avoir été vidé de son pipi, comme lui – Robert - restait après avoir fait pipi, comme le robinet n'était pas entraîné par l'eau
qui coule, mais était toujours là, même quand l'eau ne coulait pas.

À travers ces interprétations et ma permanence, Robert progressivement introduisit un délai entre
le vidage et le remplissage, jusqu'au jour où il a pu revenir triomphant avec un pot vide dans son bras.
Il avait visiblement gagné l'idée de permanence de son corps.

Parallèlement, il menait une autre expérience de son corps :
ses vêtements étaient pour lui son contenant, et lorsqu'il en était dépouillé, c'était la mort cer¬taine.

La scène du déshabillage était pour lui l'occasion de véritables crises. La dernière avait duré trois heures, pendant laquelle le personnel le décrivait comme « possédé », il hurlait « le loup ! », courant d'une chambre à l'autre, éta¬lant les fèces qu'il trouvait dans les pots sur les autres enfants, il n'avait pu se calmer qu'attaché.

Le lendemain de cette scène, il est venu en séance,
a commencé à se désha¬biller dans un grand état d'anxiété, et tout nu il est monté dans le lit.
Il a fallu trois séances pour qu'il arrive à boire
un peu de lait tout nu dans le lit. Il mon¬trait
la fenêtre et la porte, et frappait son image
en hurlant « le loup ! ».

Parallèlement, dans la vie quotidienne, le déshabillage a été facile, mais suivi alors d'une grande dépression :
il se mettait à sangloter le soir sans raison, et il des¬cendait se faire consoler par la surveillante en bas, et il s'endormait dans ses bras.

En conclusion de cette phase, il a exorcisé avec moi le vidage du pot, ainsi que la scène du déshabillage, il l'a fait au travers de ma permanence qui avait rendu le lait un élément constructeur.
Mais Robert, poussé par la nécessité de construire
un minimum, n'a pas touché au passé, il n'a compté qu'avec le pré¬sent de sa vie quotidienne, comme s'il était privé de mémoire.

Dans la phase suivante, c'est moi qui suis devenu le loup. Et il profite du peu de construction qu'il a fait pour projeter sur moi tout le mal qu'il avait bu, et en quelque sorte retrouver ainsi la mémoire.

Il va pouvoir devenir progressivement agressif.
Cela va devenir tragique.
Poussé par le passé, il faut qu'il soit agressif contre moi, en même temps je suis dans le présent celle dont il a besoin.

Je dois le rassurer par mes interprétations, lui parler du passé qui l'oblige à être agres¬sif, ce qui n'entraîne pas ma disparition ni son changement de lieu, ce qui était pris par lui comme une punition.

Comme il avait été agressif contre moi, il essayait de se détruire, il se repré¬sentait par un biberon non cassé et il essayait de le casser. Je le lui retirais des mains, il n'était pas en état de supporter de le casser. Il reprenait le cours de la séance et de son agressivité contre moi.

À ce moment-là, il m'a fait jouer le rôle de sa mère affamante, m'a obligé à m'asseoir sur une chaise où il y avait sa timbale de lait, afin que je renverse ce lait, le privant ainsi de sa nourriture bonne. Alors il s'est mis à hurler « le loup ! », a pris le berceau et le bébé et les a jetés dehors par la fenêtre, dans un état furieux d'accusation contre moi.

Il s'est retourné alors contre moi et m'a fait ingurgiter de l'eau sale dans une grande violence,
en hurlant « le loup ! le loup ! ».

Ce bibe¬ron représentait la mauvaise nourriture
à cause de la séparation et de tous les changements, après une mauvaise mère qui l'avait privé de nourriture.
Parallèlement, il m'a chargée d'un autre aspect de la mauvaise mère, celle qui part. Il m'a vue partir un soir de l'institution. Le lendemain il a réagi, il m'avait déjà vu partir d'autres fois, mais sans être capable d'exprimer l'émotion qu'il pouvait en ressentir.

Ce jour-là, il a fait pipi sur moi dans un grand état d'agres¬sivité et aussi d'anxiété. Cette scène n'était que le prélude à une scène finale qui eut pour résultat de me charger définitivement de tout le mal qu'il avait subi et de projeter en moi « le loup ! ».

J'avais donc ingurgité le biberon avec l'eau sale, reçu le pipi agressif sur moi parce que je partais. J'étais donc le loup. Robert s'en sépara au cours d'une séance en m'enfermant aux cabinets, pendant que lui retournait dans la pièce de séance, seul,
montait dans le lit vide et se mettait à gémir.

Il ne pouvait pas m'ap¬peler, et il fallait bien que je revienne, puisque j'étais la personne permanente. Je suis revenue. Robert était étendu, le visage pathétique, le pouce maintenu à deux centimètres de sa bouche. Et pour la première fois dans une séance, il m'a tendu les bras et s'est fait consoler.

À partir de cette séance, on assiste dans sa vie à un changement total de com¬portement. Cet enfant qui agressait les autres, les étranglait, déchirait avec les dents, est devenu l'être le plus doux qui soit, défendant les petits, les consolant, les faisant manger.

J'ai eu l'impression qu'il avait exorcisé le loup.

À partir de ce moment, il n'en a plus parlé,
et il a pu alors passer à la phase suivante :
la régression corps, cette construction de l'ego-body qu'il n'avait jamais pu faire.

Pour employer la dialectique qu'il avait toujours employée, des contenus-¬contenants, Robert devait, pour se construire, être mon contenu, mais il devait s'assurer de ma possession, c'est-à-dire son futur contenant.
Il a commencé cette période en prenant un seau plein d'eau, dont l'anse était une corde. Cette corde, il ne pouvait absolument pas supporter qu'elle soit atta¬chée aux deux extrémités. Il fallait qu'elle pende d'un côté.

J'avais été frappé de ce que, lorsque j'avais été obligée de la resserrer pour porter le seau, cela le mettait dans un état de douleur presque physique.

Jusqu'au jour où, dans une scène, il a mis le seau plein d'eau entre ses jambes, a pris la corde et l'a attachée à son ombi¬lic. J'ai eu alors l'impression que le seau était moi, et il se rattachait à moi
par une corde, cordon ombilical.

Ensuite, il renversait le contenu du seau d'eau,
se met¬tait tout nu, puis s'allongeait dans cette eau, en position fœtale, recroquevillé, s'étirant de temps en temps, et allant jusqu'à ouvrir sa bouche et
la refermer sur le liquide, comme un fœtus boit
le liquide amniotique, ainsi que l'ont montré
les dernières expériences américaines.

Toutes ces activités étaient le calque évident
de l'activité fœtale. Et j'avais l'impression
qu'il se construisait, grâce à ça.

Au début excessivement agité, puis il prit conscience d'une certaine réalité de plaisir, et tout aboutit
à deux scènes capitales agies avec un recueillement extra¬ordinaire et un état de plénitude étonnant étant donné son âge et son état.

Dans la première de ces scènes, Robert, tout nu, face à moi, a ramassé de l'eau dans ses mains jointes,
et l'a portée à hauteur de ses épaules et l'a fait couler le long de son corps.

Il a recommencé ainsi plusieurs fois, puis m'a dit alors dou¬cement « Robert, Robert », prenant conscience de son corps. Ce baptême par l'eau - car c'était un baptême, étant donné le recueillement qu'il y mettait - fut suivi d'un baptême par le lait.

Il avait commencé par jouer dans l'eau avec plus de plaisir que de recueille¬ment.

Ensuite, il a pris son verre de lait et le but. Puis il a remis la tétine et a com¬mencé à faire couler le lait du biberon le long de son corps.
Comme ça n'allait pas assez vite, il a enlevé la tétine et a recommencé, faisant couler le lait sur sa poitrine, son ventre et le long de son pénis avec un sentiment intense de plaisir.

Puis il s'est tourné vers moi, et m'a montré ce pénis, le prenant dans sa main, l'air ravi.

Ensuite il a bu du lait, s'en mettant ainsi dessus et dedans, de façon que le contenu soit à la fois contenu et contenant, retrouvant là cette scène qu'il jouait avec l'eau.

Dans les phases qui suivirent, il va passer au stade de construction orale. Ce stade est extrêmement difficile et très complexe. D'abord, il a 4 ans et il vit le plus primitif des stades. De plus, les autres enfants que je prends alors en trai¬tement dans cette institution sont des filles, ce qui est un problème pour lui. Enfin les patterns de comportement de Robert n'ont pas totalement disparu et ont tendance
à revenir chaque fois qu'il y a frustration.

Dans les séances qui ont suivi ce baptême par l'eau et par le lait, Robert a commencé par vivre cette symbiose qui caractérise la relation primitive mère¬ enfant. Mais lorsque l'enfant le vit vraiment, il n'existe normalement aucun pro¬blème de sexe, au moins dans
le sens du nouveau-né vers sa mère, tandis que là il y en avait un.

Et Robert devait faire la symbiose, soit avec une mère phallique, telle qu'il était prêt à l'accepter, soit avec une mère féminine, ce qui posait alors le problème de castration, le problème était d'arriver
à lui faire recevoir la nour¬riture sans que cela entraîne sa castration.
Il a d'abord vécu cette symbiose dans une forme simple : assis sur mes genoux, il mangeait. Ensuite, il prenait ma bague et ma montre et se les mettait, ou bien il prenait un crayon dans ma blouse et le cassait avec ses dents.

Alors je le lui ai interprété.
Cette identification à une mère phallique castratrice resta alors sur le plan du passé, et s'accompagna alors d'une agressivité réactionnelle qui évolua dans ses motivations. Il ne cassait plus la mine de son crayon que par autopunition de cette agressivité.

Par la suite, il put boire le lait au biberon, allongé dans mes bras, mais c'est lui-même qui tenait le biberon, et ce n'est que plus tard qu'il a pu le recevoir directement, moi tenant le biberon, comme si tout le passé lui interdisait de recevoir en lui par moi le contenu d'un objet aussi essentiel.

Son désir de symbiose était encore en conflit avec ce qu'on vient de voir. C'est pourquoi il prit le biais de se donner le biberon à lui-même.

Mais à mesure que Robert faisait l'expérience,
au travers d'autres nourritures, comme bouillies
et gâteaux, que la nourriture qu'il recevait de moi à travers cette symbiose ne l'identifiait pas à moi au point d'être une fille, il put alors recevoir de moi.

Il a d'abord tenté de se différencier de moi en partageant avec moi, il me donnait à manger et disant,
se palpant : « Robert », puis me palpant : « pas Robert ».
Je me suis beaucoup servi de ça dans mes interprétations pour l'aider à différencier très rapidement.

La situation cessa d'être seulement entre lui et moi, et il fit intervenir les petites filles que j'avais en traitement.
C'était un problème de castration, puisqu'il savait qu'avant lui et après lui une petite fille montait en séance avec moi. Et la logique émotionnelle voulait qu'il se fasse fille, puisque c'était une fille qui rompait la symbiose avec moi dont il avait besoin.

La situation était conflictuelle.
Il l'a jouée de différentes façons, faisant pipi assis sur le pot, ou bien le faisant debout en se montrant réellement agressif.

Robert était donc maintenant capable de recevoir,
et capable de donner, il me donna alors son caca sans crainte d'être châtré par ce don.

Nous arrivons alors à un palier du traitement qu'on peut résumer ainsi : le contenu de son corps n'est plus destructeur, mauvais, il est capable d'exprimer son agressivité par le pipi fait debout, sans que l'existence et l'intégrité du conte¬nant, c'est-à-dire du corps, soient mises en cause.

Le QD au GESELL est passé de 43 à 80.
Et au TERMAN-MERILL il a un QI de 75.
Le tableau clinique a changé, les troubles moteurs ont disparu, le prognathisme aussi.

Avec les autres enfants il est devenu amical. On peut commencer à l'inté¬grer à des activités de groupe. Seul le langage reste rudimentaire, il ne fait jamais de phrases, n'emploie que les mots essentiels. Puis, je pars en vacances, suis absente pendant deux mois.

Lorsque je suis revenue, il a joué une scène intéressante montrant la coexistence en lui des patterns du passé et de la construction faite dans le pré¬sent.

Pendant mon absence, son comportement est resté tel qu'il était, c’est-à-dire qu'il a exprimé sur son ancien mode…
d'une façon très riche en raison de l'acquis
…ce que la séparation représentait pour lui,
et qu'il craignait de me perdre.

Lorsque je suis revenue, il a vidé, comme pour les détruire, le lait, son pipi, son caca, puis a enlevé son tablier et l'a jeté dans l'eau. Il a donc détruit ainsi ses anciens contenus et son ancien contenant, retrouvés par le traumatisme de mon absence.
Le lendemain, débordé par sa réaction psychologique, Robert s'exprimait sur le plan somatique :
diarrhée profuses, vomissement, syncope.

Robert se vidait complètement de son image passée. Seule ma permanence pouvait faire la liaison avec une nouvelle image de lui-même, comme une nouvelle naissance.

À ce moment-là, il a acquis cette nouvelle image de lui-même. Nous le voyons en séance rejouer des anciens traumatismes que nous ignorions.

Un sur¬tout :
Robert avait bu le biberon et il a mis la tétine dans son oreille, il en a rebu, il a ensuite cassé le biberon dans un état de violence très grande.
Il a été capable de le faire sans que l'intégrité de son corps en ait souffert. Il s'était séparé de son symbole du biberon et pouvait s'exprimer par le biberon en tant qu'objet.

Cette séance était tellement frappante, il l'a répétée deux fois, que j'ai fait une enquête pour savoir comment s'était passée son antrotomie subie à 5 mois. On apprit alors que, dans le service d'O.R.L.
où il avait été opéré, il n'avait pas été anes¬thésié, et que pendant cette opération douloureuse, on lui maintenait dans la bouche un biberon d'eau sucrée.

Cet épisode traumatique a éclairé l'image que Robert avait construite :
- d'une mère affamante, paranoïaque, dangereuse qui certainement l'attaquait,
- puis cette séparation,
- un biberon maintenu de force lui faisant avaler ses cris et le mal qu'on lui faisait, le gavage par tube,
- et 25 changements successifs.

Robert ne pouvait pas avoir d'autre image de lui-même.
J'ai eu l'impression que le drame de Robert était que tous les fantasmes oraux sadiques qu'il avait pu avoir s'étaient réalisés par ces conditions d'existence,
ces fantasmes étaient devenus la réalité.
Dernièrement, j'ai dû le confronter avec une réalité. J'ai été absente pendant un an, et je suis revenue enceinte de huit mois. Il m'a vue enceinte.

Il a com¬mencé par jouer des fantasmes de destruction de cet enfant. J'ai disparu pour l'accouchement. Pendant mon absence, mon mari l'a pris en traitement, et il a joué la destruction de cet enfant.

Lorsque je suis revenue, il m'a vue plate, et sans enfant. Il était donc persuadé, étant toujours à ce stade, que ses fantasmes étaient devenus réalité, qu'il avait tué cet enfant, donc que j'allais le tuer.

Il a été extrêmement agité pendant ces 15 derniers jours, jusqu'au jour où il a pu me le dire [ ? ].
Alors là je l'ai confronté avec la réalité :
je lui ai amené ma fille, de façon à ce qu'il puisse maintenant faire la coupure.

Son état d'agitation est tombé net, et quand je l'ai repris en séance le lendemain, il a commencé à m'ex¬primer enfin un sentiment de jalousie, il s'attachait à quelque chose de vivant et non pas à la mort.

Cet enfant est toujours resté au stade où les fantasmes étaient réalité. La réa¬lité lui avait imposé ses fantasmes. Grâce à ses fantasmes de construction intra-¬utérine, qui, dans le traitement, ont été réalité, il a pu faire cette construction étonnante. S'il avait dépassé ce stade, je n'aurais pas pu obtenir cette construc¬tion de lui-même.

Comme je le disais hier, j'ai eu l'impression que cet enfant avait sombré sous le réel, qu'il n'y avait chez lui au début traitement, aucune fonction symbolique, et encore moins de fonction imaginaire.




LACAN - Il avait quand même deux mots.

麦田~暂离
2012-05-08 17:12:04 麦田~暂离 (生命是长期而持续的累积)

似乎翻译得不太好,很多看不太明白。
还有我想知道这些案例的背景,没有说得很具体。

[已注销]
2013-04-10 11:40:23 [已注销]